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Déchets sauvages : quels leviers d’action pour les collectivités ?

Connaissez-vous la théorie de la vitre brisée ? D’après une étude réalisée par James Q. Wilson et George Kelling en 1982, lorsqu’une vitre d’un bâtiment est brisée, si celle-ci n’est pas immédiatement remplacée, les autres seront brisées rapidement par d’autres individus.

Déchets sauvages : quels leviers d’action pour les collectivités ?

Cette théorie a fait beaucoup de bruit aux Etats-Unis car elle explique comment de simples incivilités, par effet boule de neige, peuvent transformer un quartier paisible en zone de non-droit. 

Appliquée aux déchets, cette théorie souligne toute l’importance pour les collectivités d’avoir des espaces propres pour ne pas inciter les habitants à y déposer leurs déchets de manière anarchique.

Les déchets sauvages, un véritable casse-tête pour les collectivités

Un déchet sauvage se définit comme « un déchet abandonné dans l’environnement de manière inadéquate, volontairement ou par négligence, dans des zones accessibles au public ou sur des terrains privés avec ou sans le consentement du propriétaire. » (ADEME, 2019). La définition regroupe donc aussi bien les déchets volumineux (ordinateurs abandonnés dans des champs, scooters jetés dans la Seine, électroménagers déposés aux abords des décharges, etc.) et les déchets diffus (chewing-gums, mégots ou sacs plastiques qui jonchent les trottoirs). 

D’après les dernières estimations de l’Association Gestes Propres, environ 1 million de tonnes de déchets sont abandonnés en France chaque année, soit l’équivalent de 100 Tours Eiffel. 

Si les mesures sanitaires liées au Covid-19 ont limité la prolifération des déchets abandonnés dans certaines zones, en particulier touristiques, elles ont également créé une nouvelle source de déchets sauvages avec, notamment, la multiplication des masques abandonnés.

Ces déchets sauvages ont des impacts multiples et directs tant sur la qualité de vie des Français (dégradation des paysages et du cadre de vie, sources de nuisances pour le voisinage), que sur l’environnement public (pollution des sols, de l’air, des cours d’eau, des nappes phréatiques, des mers et des océans par des substances toxiques), la santé publique (multiplication des gîtes larvaires responsables de la propagation d’épidémies, contamination de la chaîne alimentaire par divers polluants, etc.) et même le budget des collectivités (la collecte des déchets sauvages par les services de nettoyage est bien plus onéreuse pour le service public et leur caractère diffus et souillé complexifie les gestes de tri et de recyclage).

Mais que faire contre ces incivilités ? D'après un sondage mené par l'Ifop en 2021 pour Gestes propres, 27% des Français avouent avoir déjà abandonné un déchet au sol. Trois solutions sont alors plébiscitées par les répondants : des sanctions contre les jeteurs (54% des Français favorables), des mesures éducatives (23%) ou l'optimisation des mesures de collecte (25%).

La loi Agec, une avancée législative pour lutter plus efficacement contre les déchets sauvages

Le Gouvernement a fait de la lutte contre les dépôts sauvages l’une de ses priorités et, conformément à la mesure 27 de la Feuille de route « économie circulaire » répertoriant les moyens de prévention et de sanction, un guide de référence est mis à disposition des collectivités et des agents qui luttent chaque jour contre ces dépôts sauvages.

 

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020 a par ailleurs permis de nombreuses avancées, selon trois grands axes. 

  • La création d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) pour les déchets du bâtiment : l’entrée en vigueur de cette mesure à partir du 1er janvier 2022 permettra d’agir sur les causes de la gestion illégiale des déchets en créant un maillage efficace de points de reprise et une reprise gratuite pour les déchets triés.
  • Un dispositif de financement du nettoyage des dépôts sauvages : avec, d'un côté, les filières REP concernées qui prendront en charge une partie des coûts et de l’autre, les amendes administratives payées par les auteurs de dépôts sauvages qui seront perçues par les collectivités.
  • Un renforcement des systèmes de surveillance et de sanction : la loi prévoit de rendre les amendes en cas de dépôt de déchets sauvages plus dissuasives et de faciliter le travail des élus à travers différents dispositifs (accès au système d'immatriculation des véhicules et utilisation de la vidéosurveillance, mutualisation des moyens humains et financiers au niveau des groupements de collectivités, habilitation de nouveaux agents dont les agents de surveillance de la voie publique, etc.). 

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4 leviers d’action pour permettre aux collectivités de faire face aux problématiques liées aux déchets sauvages

En complément des avancées législatives, différentes solutions s’offrent aux collectivités pour renforcer la lutte contre les déchets sauvages. Parmi ces leviers d’actions, on distingue notamment : le déploiement de dispositifs de collecte concrets et efficaces, les actions de sensiblisation aux impacts des déchets sauvages, le recours au nudge pour déclencher les bons gestes, les appels à projets citoyens ou encore, l’instauration d’incitation financières. 

Premier levier

Déployer des dispositifs de collecte concrets et efficaces

Il s’agit ici pour les collectivités d’adapter les dipositifs de collecte selon leur emplacement sur le territoire. Au sein des espaces naturels ou près des littoraux, il est préférable d’utiliser des poubelles en béton avec couvercles ou des conteneurs comme l’illustre l’initiative ci-contre portée par Citeo à Marseille. En effet, les poubelles sans protection latérale ou sans couvercle facilitent le déversement de déchets. Par ailleurs, à l’instar de la théorie de la vitre brisée énoncée en préambule, la mise en place de rythmes de collecte réguliers est un impératif pour éviter que les poubelles débordent, ce qui participe à encourager le dépôt de déchets sauvages. Pour soutenir les collectivités dans cette démarche, il existe des dispositifs de suivi informatique du taux de remplissage des points de collecte  qui  permettent  d’éviter leur saturation.

Deuxième levier

Sensibiliser aux impacts des déchets sauvages

Informer les citoyens sur le devenir des déchets, sur le coût par habitant d’un déchet jeté dans la nature ou encore sur leur impact concret sur l’environnement est un moyen efficace pour les inciter à adopter les bons gestes. Pour ce faire, le choix d’un ton humoristique est à privilégier comme le souligne une étude suisse qui révèle que les affiches aux contenus humoristiques ont permis de réduire le jonchement des déchets de 60 % contre 25 % avec une affiche au contenu autoritaire. C’est le choix qui a été fait par l’association Gestes Propres en partenariat avec l’AMF pour sensibiliser aux impacts des déchets marins et des déchets abandonnés en pleine nature. 

Troisième levier

Recourir au nudge pour déclencher le bon geste

Le nudge est un concept issu des sciences comportementales qui consiste en une incitation douce adressée à un individu pour susciter un comportement attendu. Appliqué aux déchets, il s’agit de mettre en place un dispositif de collecte innovant et visible qui participe à déclencher les bons gestes chez les citoyens. C’est ce qui a été fait à Lille à travers l’utilisation de pochoirs “marelle” pour guider les usagers jusqu’à la poubelle, ou encore à Biarritz, avec l’association Re6clope qui a mis en place un système de récupération des mégots de cigarettes par le biais d’un système de vote.

Quatrième levier

Instaurer des incitations financières 

Essentiellement adressés aux entreprises, les dispositifs d’incitations financières sont également un bon moyen pour les collectivités d’encourager leurs administrés à limiter les incivilités en matière de déchets. Parmi ceux-ci, le fait de favoriser la gratuité ou la quasi-gratuité des déchetteries pour les professionnels est une initiative qui a fait ses preuves sur la commune de Rosny-sur-Seine. En effet, les entreprises du territoire peuvent déposer leurs déchets à la déchetterie et les prix varient suivant que les déposants trient ou non leurs déchets. Par exemple, la tonne non triée est facturée 115 €, tandis qu’une fois triée la tonne de gravats de béton est facturée 5 €. 

Ainsi, il ressort que de nombreux outils sont à la disposition des collectivités pour limiter la propagation des déchets sauvages. Au-delà des 4 leviers d’action répertoriés, différentes initiatives locales existent pour prévenir les incivilités et encourager des comportements responsables auprès des citoyens. Pour les connaître, découvrez le Guide relatif à la lutte contre les abandons et dépôts illégaux de déchets proposé par le Ministère de la Transition écologique.