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Comment  la crise sanitaire permet-elle d'encourager le tourisme durable ?

Alors que le monde est confronté à une urgence sanitaire sans précédent, le tourisme est parmi les secteurs les plus touchés. Au-delà des impacts économiques et sociaux engendrés par cette crise, de nouveaux modes de consommation se développent avec un tourisme plus local et expérientiel.

Comment  la crise sanitaire permet-elle d'encourager le tourisme durable ?

Au-delà des impacts économiques et sociaux engendrés par cette crise, de nouveaux modes de consommation se développent avec un tourisme plus local et expérientiel. Cependant, cette tendance, qui fait suite à une situation inédite, est créée sous la contrainte. Dans quelle mesure les territoires peuvent-ils se saisir de cette tendance inédite de tourisme durable et en assurer son développement et sa pérennisation ?

La crise sanitaire : révélateur de l’impact environnemental du tourisme

En France, la pandémie a entraîné une perte de plus de 60 milliards d'euros de recettes liées au tourisme en 2020. Seulement en Île-de-France, une chute historique de fréquentation a été enregistrée avec une baisse de plus de 33 millions de touristes par rapport à 2019.

Alors que les impacts économiques ont été largement quantifiés, les impacts positifs sur l’environnement liés au ralentissement du tourisme, un secteur à l’origine de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, restent difficiles à évaluer.

Certes, la crise sanitaire a permis une amélioration de la qualité de l’air de 20 à 30% en région parisienne, et on a pu observer plusieurs regains de biodiversité là où la pollution de l’eau et des sols a reculé suite à l’arrêt de nos activités. Mais cela montre surtout l’impact direct que nous avons sur la biodiversité, et à quel point ce rapport de force est déséquilibré. 

En mer Méditerranée, 52% des détritus seraient liés au tourisme balnéaire selon un rapport de l’association WWF publié en 2019. De plus, 80 % des déchets plastiques présents dans l'océan y sont transportés par les cours d'eau. En effet, le Rhône est le principal fleuve responsable de pollution marine dans la Méditerranée.

De plus, environ 100 à 200 tonnes de déchets plastiques transitent chaque année dans la Seine selon la revue Marine Pollution Bulletin.

Un tourisme plus responsable en marche en 2021 : volontaire ou contraint ?

De plus en plus de Français font désormais le choix d'un tourisme alternatif, aussi appelé slow tourisme, en opposition au tourisme de masse. Ce mouvement, centré autour de la qualité de l’expérience, l’immersion au sein de la destination ainsi que la préservation de l’environnement, attire certains territoires qui voient en cette tendance un moyen de mise en avant de leurs atouts. En 2018, 55% des Français estiment que c’est de la responsabilité des professionnels du tourisme que d’aider à protéger le patrimoine des cultures locales. 

Ainsi, plusieurs aspects du tourisme sont bouleversés par la tendance du slow tourisme : 

  • La façon de voyager : avec le développement de phénomènes tels que le Flygskam, les voyageurs se tournent de plus en plus vers des mobilités douces comme le train, le vélo ou le co-voiturage
  • La relocalisation des destinations touristiques : depuis 2 ans, on constate une "relocalisation touristique", notamment dans les capitales régionales, constatée par le cabinet KPMG. Les Français privilégient de plus en plus l’expérience à l’exotisme. La startup Staycation a ainsi réussi à transformer des nuitées en véritables expériences locales pour s'échapper le temps d’un weekend proche de sa ville (Forbes, 2021) 
  • L’ultra proximité comme nouveau mode de consommation : on voit également le concept de la micro-aventure se développer, avec notamment la plateforme Chilowé, créée en 2017, qui propose par exemple des weekends d’autonomie dans le Parc Naturel du Gâtinais, du VTT et du bivouac dans les Yvelines, ou encore du canoë et de la randonnée dans le parc naturel du Vexin. Le site Internet Enlarge Your Paris répertorie également de nombreuses micro-aventures et des parcours “archivélo” à faire autour de Paris.

Ces tendances ont été accentuées par la crise sanitaire sous contrainte des limites de déplacement. Une fois ces contraintes passées, ces tendances vont-elles se pérenniser, voire se renforcer ?

Un mode de transport durable pour visiter le Mont Saint-Michel


Les 4 leviers des territoires pour pérenniser et déployer le tourisme durable

Grâce à leur connaissance des acteurs économiques et caractéristiques locaux, les acteurs publics ont un rôle clé à jouer en tant que catalyseurs de la mise en place d’un écosystème favorable à la pérennisation et au développement du tourisme durable. Quatre leviers d’actions principaux sont à leur portée. 

Premier levier

Légiférer en faveur du tourisme durable :

D’après Camille Simon, co-fondatrice d’Ecocircular, “la législation et les certifications sont parmi les moteurs principaux de la transition des hôtels ou restaurants vers une économie plus durable.” La législation nationale est un levier essentiel pour pousser les acteurs économiques à s’engager dans la transition écologique. Les collectivités locales, elles aussi, ont un rôle à jouer dans la déclinaison et la mise en place de ces nouvelles mesures. Par exemple, les territoires franciliens prennent désormais en compte les enjeux économie circulaire au sein de leur stratégie de développement économique

Deuxième levier

Mettre en avant les initiatives locales :

En plus de promouvoir certaines initiatives de tourisme responsable auprès des voyageurs, les pouvoirs publics peuvent soutenir et fédérer les acteurs locaux du secteur dans leur conversion vers des modèles plus durables. Ainsi, des initiatives comme We Go Green’R, incubé au Welcome City Lab, ou Ecotable se développent et permettent à de plus en plus de touristes de faire des choix éclairés.

Troisième levier

Former les acteurs économiques à la durabilité :

En collaboration avec le MTE, la société Betterfly Tourisme a choisi de former via la certification en développant une étiquette environnementale délivrée avec une formation de sensibilisation sur l’impact environnemental du secteur touristique.

Quatrième levier

Allouer des fonds pour le déploiement d’une chaîne de valeur durable pour le tourisme :

Comme le montre le Fonds Tourisme Durable de 50M d’euros lancé par le gouvernement à travers le plan France Relance, la transition écologique ne va pas sans un soutien financier significatif pour aider les acteurs économiques à investir dans de la formation, les infrastructures ou les certifications durables. Ce plan a pour objectif de faciliter l’accès à un diagnostic environnemental et à la conception d’un plan d’actions pour les restaurateurs et les hébergeurs. 

Conclusion

Si la crise sanitaire a engendré des transformations socio-économiques sans précédent, elle a toutefois permis une accélération de la prise de conscience des enjeux environnementaux et sociétaux liés à nos modes de consommation. A l’heure où le secteur du tourisme entame une reprise progressive de son activité, cette crise aura notamment permis aux professionnels du secteur de prendre du recul pour un tourisme post-Covid plus durable. Cette transition se fera de façon systémique, en se rapprochant des acteurs du territoires afin d’atteindre les objectifs de proximité attendus par les consommateurs. Grâce à leur connaissance du maillage territorial, des spécificités locales, et leur lien étroit avec le gouvernement, les collectivités ont un rôle clé à jouer pour catalyser cette transition et assurer que les années 2020s marquent le début d’un tourisme durable accessible à tous.

Références pour aller plus loin

Rapports, études et enquêtes :

Rapport “Stoppons le torrent de plastiques”, WWF (2019) 

“Les stratégies nationales du tourisme et du climat”, Ministère de la Transition Écologique (2010) 

Enquête - “9 prédictions sur l’avenir du voyage”, Booking.com (2020) 

“La fonction touristique des territoires : facteur de pression ou de préservation de l’environnement ?”, MTE (2017) 

Sondage - “Avis des Français sur la responsabilité des professionnels sur l'éco-tourisme 2018”, Statista (2018)

Etude sur “L’industrie hôtelière française en 2020”, cabinet KPMG (2020) 

“Les défis de l’économie circulaire : les territoires franciliens s’engagent”, DRIEAT (2021)

Aide de l’ADEME - “Fonds Tourisme Durable – restaurateurs et hébergeurs, accélérez votre transition écologique”, ADEME (2021)

“Recommendations for the tourism sector to continue taking action on plastic pollution during COVID-19 recovery”, Global Tourism Plastics Initiative (2020) 

 

Articles :

Tourisme : une crise sans précédent, Vie Publique (2021) 

Pollution de l’air et COVID-19 : Focus Santé de l’ORS d’Île-de-France, Airparif (2020) 

Confinement : un regain de biodiversité dans le parc des calanques, GOMET (2020) 

Les déchets plastiques qui polluent nos rivières, Statista (2021)

 

La Seine, piège à déchets et « usine » à fragmenter le plastique, LEESU (2021) 

Le phénomène du Flygskam, Novethic (2020)

La « micro-aventure » : la tendance qui monte, L’Obs (2020) 

Structures et initiatives citées :

Staycation, la start-up qui dessine l’hôtellerie de demain

Chilowé, plateforme de référence pour les micro-aventures

La carte de la microaventure dans le Grand Paris, par Enlarge Your City

Des parcours « archivélo » pour explorer les paysages et le patrimoine grand-parisiens

Ecocircular, une association parti à la rencontre des innovations hôtelières durables lors d’un tour d’Europe 

Welcome City Lab, incubateur dédié au secteur du tourisme créé par Paris&Co